Le Dieu des philosophes
- Philosophe chrétienne
- 28 déc. 2021
- 3 min de lecture
Cette expression : "le Dieu des philosophes", est du philosophe Pascal. Il entend ainsi critiquer les preuves de l'existence de Dieu. Pourtant, Pascal était un fervent chrétien. Pour quelles raisons critique-t-il ces preuves ?

Une preuve métaphysique :
Dans cet article, j'ai expliqué comment le philosophe français Descartes (17e siècle) (#Descartes), a prouvé l'existence de Dieu en partant de la définition de son être. Nous sommes des êtres pensants, mais finis, limités, imparfaits (#finitude). Pourtant, nous avons en nous l'idée d'un être infini : Dieu. Quand on s'interroge sur l'origine d'une telle idée (comment est-il possible qu'un être fini ait en lui l'idée d'un être infini ?) on en arrive nécessairement à l'existence de Dieu.
Cette preuve est une preuve métaphysique. La métaphysique vient du grec metaphysika. Meta signifie au-dessus, après, au-delà ; et physika désigne les choses naturelles. Quand on étudie la physique, on étudie la nature. Quand on étudie la métaphysique, on étudie ce qu'il y a au-delà de la nature. Selon Descartes, la métaphysique a trois objets principaux : Dieu, l'immortalité de notre âme, et la liberté.
Une preuve métaphysique peut-elle suffire à prouver l'existence de Dieu ? Et de quel Dieu parle-t-on ? Est-ce réellement le Dieu de la Bible ? Ce sont ces questions que se pose Pascal, philosophe français de la même époque que Descartes (#Pascal).
Des preuves certaines mais inutiles :
La critique de Pascal ne porte pas sur la certitude des preuves métaphysiques de l'existence de Dieu. Dans leur domaine propre, elles ont leur pertinence. Mais pour Pascal, elles sont inutiles, inefficaces.
Premièrement, parce qu'elles sont trop éloignées des raisonnements ordinaires. Si elles peuvent frapper de leur évidence un esprit concentré pendant la démonstration, une heure plus tard cependant nous ne parvenons plus à nous souvenir du raisonnement et nous doutons de leur certitude. Elles ne s'inscrivent pas dans la durée.
"Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées (= compliquées), qu'elles frappent peu. Et quand cela servirait à quelques-uns, cela ne servirait que pendant l'instant qu'ils voient cette démonstration, mais une heure après ils craignent de s'être trompés." Pascal, Pensées, n°190 (de l'édition Lafuma).
Deuxièmement, elles sont inutiles parce qu'elles ratent leur véritable cible. Elles prétendent prouver l'existence de Dieu, mais il ne s'agit pas du Dieu de la Bible. Il s'agit seulement d'un concept de Dieu en tant qu'être infini. Autrement dit, les preuves métaphysiques de l'existence de Dieu peuvent amener à être déiste, mais pas chrétien. C'est pourquoi Pascal dit qu'il s'agit du "Dieu des philosophes".
D'abord, le Dieu de la Bible ne se révèle que par l'intermédiaire de Jésus-Christ. Donc, en refusant cet intermédiaire, la métaphysique et ses preuves s'empêche d'accéder à Dieu, alors même qu'elle prétend prouver son existence ! Pour Pascal, ce refus est l'effet de l'orgueil : l'homme prétend connaître Dieu par lui-même, par les forces de son propre raisonnement, sans accepter de passer par Jésus-Christ. Il fait donc de Dieu un objet, un objet de connaissance, un Dieu-concept, au lieu d'accepter Dieu comme sujet, comme personne.
"Tous ceux qui ont prétendu connaître Dieu et le prouver sans Jésus-Christ n'avaient que des preuves impuissantes." Pascal, Pensées, n°189 (de l'édition Lafuma).
Ensuite, cet orgueil de la métaphysique qui refuse d'en passer par Jésus-Christ, empêche également l'homme de connaître sa propre misère. Or, c'est la prise de conscience de notre misère (sans Dieu), qui nous pousse vers Dieu. La connaissance de Dieu passe nécessairement d'abord par la connaissance de notre misère.
"La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l'orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu parce que nous y trouvons, et Dieu et notre misère." Pascal, Pensées, n°192 (de l'édition Lafuma).
Enfin, Dieu ne se connaît pas dans le domaine de la métaphysique. Prouver l'existence de Dieu, ce n'est pas le connaître. Nous n'avons pas à prouver l'existence de Dieu, mais à décider si nous voulons l'aimer. C'est le domaine de la charité (au sens d'amour). Nous ne pouvons connaître Dieu qu'en l'aimant.
"Qu'il y a loin de la connaissance de Dieu à l'aimer !" Pascal, Pensées, n°377 (de l'édition Lafuma).
"Le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des chrétiens est un Dieu d'amour et de consolation ; c'est un Dieu qui remplit l'âme et le cœur de ceux qu'il possède [...]." Pascal, Pensées, n°449 (de l'édition Lafuma).
Le Mémorial :
Le Mémorial fut rédigé par Pascal dans la nuit du 23 novembre 1654. C'est durant cette nuit-là que Pascal se convertit à Jésus-Christ. Il rédigea aussitôt un texte de quelques lignes qu'il garda toujours cousu dans la doublure de ses habits. Ce texte fut découvert à sa mort et fut nommé Mémorial par ses proches. C'est dans ce texte que Pascal parle de Dieu comme "Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, et non des philosophes et des savants".
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