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  • Photo du rédacteurPhilosophe chrétienne

Des chimères homme-animal

Le mois dernier, une équipe de chercheurs français a annoncé avoir créé un embryon chimérique, c'est-à-dire un embryon mêlant deux espèces, en l'occurrence : le singe et l'homme. Au-delà de l'effet effrayant du mot "chimère", de quoi s'agit-il exactement ? Quelles expériences fait-on, et pourquoi ? Quels sont les risques ?



De quand datent ces expériences ?


Les expériences sur des embryons chimériques sont relativement anciennes : elles ont été menées avec succès dès 1986 en France, sur des embryons caille-poulet. Cependant, ce n'est que récemment qu'on a commencé à expérimenter sur des embryons mêlant des cellules humaines à un embryon animal. La première expérience date de 2013 et mêlait des cellules humaines à un embryon de souris.


En quoi consistent ces expériences ?


Tous les êtres vivants se développent à partir d'une cellule qui se multiplie, et ainsi de suite. Ces premières cellules s'appellent des cellules souches. Elles ont comme caractéristiques de pouvoir se multiplier indéfiniment, et de donner naissance à toutes les autres cellules, dites spécialisées : les cellules de peau, de rétine, de moelle, de neurones, etc. C'est pourquoi on les qualifie de pluripotentes.

Les scientifiques savent maintenir en culture des cellules pluripotentes : elles portent précisément le titre de cellules souches induites à la pluripotence, pour les distinguer des cellules souches pluripotentes embryonnaires, appartenant naturellement à un embryon, non cultivées en laboratoire.

L'expérience consiste à injecter dans un embryon animal, au stade où il se compose d'une dizaine de cellules, des cellules souches induites à la pluripotence humaines (environ cinq cellules).


En quoi ne consistent pas ces expériences ?


Pour le moment, plusieurs choses sont inenvisageables, car jugées contraires à l'éthique et interdites par la loi : on n'injecte pas de cellules animales dans un embryon humain. On n'injecte pas de cellules souches humaines dans un autre embryon humain. On ne réimplante pas l'embryon chimérique dans un utérus. Les expériences sont menées in vitro, ce qui d'ailleurs y met un terme au bout de quelques jours, car on ne sait pas maintenir le développement d'un embryon hors utérus au-delà de 15-20 jours.

La loi qui encadre ces expériences est la loi bioéthique. Peut-être en avez-vous entendu parler, car c'est cette même loi qui encadre la PMA et qui est en train d'être révisée depuis un an. En effet, cette loi bioéthique est révisée tous les 5 ans (nous avons actuellement du retard, puisque la dernière révision a eu lieu en 2013).

Cette loi, dans son article 17 (qui encadre la recherche scientifique sur les embryons), interdit la création de chimères. Mais la façon dont elle est formulée sous-entend le fait d'introduire des cellules animales dans un embryon humain.


Quel est le but de ces expériences ?


Les scientifiques font ces expériences pour mieux comprendre comment un organisme se développe : quels mécanismes contrôlent ce développement ? Par quelles étapes passe-t-il ? Dans quel ordre ? Comment les cellules souches pluripotentes participent au développement d'un organe ? Comment elles le réparent ?

Ces connaissances ont des impacts dans la médecine régénératrice, et notamment dans la thérapie cellulaire. Par exemple, pour guérir certaines lésions de la rétine, on pourrait convertir des cellules souches pluripotentes du patient en cellules de la rétine, et les réimplanter dans l'œil du patient.

Cela pourrait aussi nous permettre de mieux comprendre ce qui se passe lors du développement de l'embryon dans les premiers jours, pour réduire les risques de fausses couches, ou améliorer le taux de réussite d'une FIV dans le cadre de la PMA.

A très long terme, les scientifiques évoquent aussi la possibilité de faire pousser des organes humains dans des animaux, afin de pouvoir avoir des organes disponibles pour les demandes de greffes.

Cependant, dès aujourd'hui, plusieurs problèmes se posent. Le premier problème, d'ordre pratique, mis en lumière par l'équipe de chercheurs français, est le fait que les cellules souches pluripotentes humaines colonisent très mal des embryons animaux, que ce soit la souris, le lapin ou le singe, pourtant proche de nous génétiquement. Elles sont naturellement inaptes à faire des chimères avec efficacité. L'embryon dans lequel on implante des cellules souches étrangères se défend en effet, en éliminant ces cellules étrangères. Et les cellules souches humaines résistent très mal à cette compétition inter-espèces.

La seconde difficulté rencontrée est d'ordre éthique. Comme je l'ai dit plus haut, la loi interdit de réimplanter l'embryon dans un utérus, si bien que l'embryon finit par mourir, car on ne sait pas maintenir son développement au-delà de 15-20 jours. Pour pouvoir prolonger cette expérience en réimplantant l'embryon dans un utérus, il faudrait que la loi de bioéthique le permette. Or, pour le moment, la création de chimères est interdite.


Cet article vise uniquement à présenter ces expériences menées sur des embryons chimériques. Les questions qui se posent sont évidemment de savoir s'il faut permettre et encourager ces expériences, et jusqu'où, avec quelles limites, au nom des bénéfices qu'elles pourraient engendrer pour la santé humaine ? ou bien, au nom de la morale, des dérives auxquelles elles pourraient mener, les interdire totalement ?

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